Si comme moi vous travaillez « dans un bureau » (et pas sûr un bureau, hein…), vous devez être confrontés aux questions de vos collègues concernant l’étrangeté de votre culture ou vos pratiques religieuses pas piquées des bêtes.
Alors dans quelques jours, il va vous falloir expliquer à vos collègues médusés ce qu’est le Ramadan. « Quoi vous vous abstenez de manger du matin au soir??! Mais comment faites vous, moi je ne pourrais jamais! » Oui mais nous mangeons quand même en quantité suffisante pour ne pas avoir à souffrir famine. Et vos collègues de vous regarder avec une mine compatissante, comme si vous alliez vous priver de nourriture 30 jours consécutifs, sans avaler quoi que ce soit. Et si vous ne pouvez pas vous abstenir de manger pendant 12 heures, pensez donc un peu à ce qui ne trouvent rien à se mettre sous la dent pendant plusieurs jours!
« Mais pourquoi faites vous ça? Vous êtes obligés? » Non cher collègue, personne ne nous y force, nous nous y astreignons volontairement. Reste à expliquer le pourquoi de la chose, entreprise qui n’est pas des plus aisées. Oui, c’est pour se purifier, pour renforcer sa foi, pour nous éprouver aussi un peu. Mais comment expliquer des concepts spirituels à des collègues essentiellement profanes? La tâche est ardue, il faut s’armer de patience et de pédagogie.
« Et vous ne pouvez même pas boire une gorgée ou manger un tout petit peu? » Non vous dis-je!
Ha oui j’oubliais : nous nous abstenons aussi de relations sexuelles entre le lever et le coucher du soleil. « Hooo les coquins! Vous vous rattrapez le soir, hein » disent-ils tous fiers.
Puis vient l’heure du déjeuner et le défilé de personnes qui – o hasard! vous invitent à aller manger et à qui il faut expliquer et rabâcher la même chose, expliquer le pourquoi du comment.
Ah mon Dieu, je ne sais pas ce qui est plus dur, jeûner pendant un mois ou expliquer le jeûne en 5 minutes à ses collègues.
Le musliminthecity est constamment confronté aux questions loufoques ou embarrassantes de ses collègues. Il faut dire que des Musulmans, beaucoup n’en voient que sur TF1 et pas toujours dans une posture des plus avantageuses.
« Alors comme ça vous ne manger pas de porc? Pourtant c’est bon le jambon. Ah vous ne savez pas ce que vous ratez! Et pas d’alcool non plus? Même pas une petite goutte? Une larmiche? »
Alors c’est là ou vous vous autorisez une explication profane sur les dangers de l’alcool, sur les 23 000 morts que recense la France chaque année, sur le trou de la Sécu, sur les femmes battues et les vies fauchées sur la route, sur les problèmes sociaux, sur la désocialisation des alcooliques. Enfin bref, un langage compris de tous, sur un terrain purement profane.
« Mais tu sais, c’est pas avec un verre de rosé que tu vas ruiner la Sécu ou choper un cirrhose… »
Mon Dieu, aidez moi, c’est trop dur.
A chaque fête ou événement religieux, vous appréhendez les questions de vos amis et quand vient la « fête du mouton », vous devez expliquer à vos chers collègues pourquoi votre religion veut que vous décapitiez une innocente bête. Et attention à bien choisir vos mots! Evitez le très connoté « égorger » qui rappelle un peu trop les terroristes irakiens et n’optez pas non plus pour « sacrifier » associé aux offrandes d’enfants faits par les Phéniciens au Dieu Baal. Non, j’ai trouvé un mot plus doux, plus neutre : « immoler ». Pas mal et assez innocent.
Et d’abord, ce n’est pas vraiment la « fête du mouton » (on ne peut pas dire que ce soit un moment très festif pour le mouton), c’est « Layidélékébir » comme dit Claire Chazal.
Et ne vous essayez pas à une explication rationnelle de l’origine de ce rite, vous risqueriez d’aggraver votre cas. Allez donc expliquer la volonté d’Abraham de sacrifier son fils par soumission envers son Seigneur. Je vois déjà le regard terrifié de vos collègues. Non, si on vous interroge sur l’origine de cette pratique, dites comme cet homme de la génération passée qui a eu cette réflexion « Moi quand on me demande pourquoi vous tuez le mouton, et bien moi je dis que mon Dieu il nous a demandé de tuer un mouton alors je tue un mouton. »
Je vous l’ai faite sans l’accent.
Profitez donc de la curiosité de vos collègues pour leur toucher quelques mots sur l’Islam et corriger certains préjugés.